L’urbanisme inclusif comme gatekeeping

Conclusions de la MasterClass Metrolab 2017 [FR]

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L’urbanisme inclusif comme gatekeeping

Conclusions de la MasterClass Metrolab 2017

Que pouvons-nous retenir de ces deux intenses semaines de travail collectif? Quelles conclusions générales tirer des conclusions partielles proposées pour chacun des quatre sites étudiés ? Quels sont, pour les études urbaines, les possibles enseignements théoriques de ces travaux de terrains sur le sol bruxellois ? Dans les pages qui suivent, nous revenons d’abord sur quelques traits communs distinctifs des quatre sites et projets choisis pour cette MasterClass, en particulier, la structuration particulière de ces sites comme « enclaves inclusives », à la fois refuges ou havres à l’intérieur de la ville, portes vers la ville et seuils entre deux territoires. Nous détaillons ensuite la variété des positionnements adoptés par les équipes d’étudiants et chercheurs face aux problématiques spécifiques de chacun des sites. Nous tirons de ces micro-enquêtes certaines interrogations autour des dimensions éthiques et politiques de l’inclusion urbaine. Ces considérations, enrichies par les contributions théoriques qui alimentent l’ouvrage, nous invitent à avancer l’idée suivante : pour les sites étudiés, tant sur le plan du design spatial que sur celui du processus politique, l’urbanisme inclusif est avant tout affaire de « gatekeeping ». L’enjeu est en effet d’identifier et d’investir dans d’amples enclaves urbaines capables d’augmenter l’accessibilité de la ville et sa capacité d’accueil ; de rehausser les valeurs et qualités intérieures de ces sites enclos ; d’interroger les limites de l’enclave, en explorant les possibles continuités socio-spatiales avec la ville alentour ; de veiller ensuite au bon fonctionnement de ces portes dans leur fonction d’ouverture et de fermeture ; d’établir des procédures et des règles pour que cette responsabilité soit collective, pour que les principes d’accessibilité et de contrôle des lieux soient eux-mêmes définis de manière inclusive et démocratique. Le texte se clôt sur un dernier exercice : la brève description, à partir de cette nouvelle terminologie (havres, portes, seuils) des projets réellement en cours de développement sur les site Abattoir et de l’Abbaye de Forest, conçus comme enclaves inclusives.

1. Pertinence des sites choisis

1.1. Multiplicité et interdépendance des aspects d’inclusion

Le travail qui a rassemblé étudiants internationaux et chercheurs bruxellois dans le cadre de cette MasterClass visait à tester le caractère inclusif ou hospitalier de certains de projets financés dans le cadre du programme FEDER-Bruxelles, qui constitue pour le Metrolab un véritable laboratoire en terme d’étude de politique publique. Comme présenté dans l’introduction de cet ouvrage, une ville n’est ou ne devient « inclusive » qu’à travers l’augmentation de la capacité d’ouverture et de réception des différents espaces de vie, d’activités et de services qui la constituent. Par exemple, une ville ne peut être dite inclusive si, d’un côté, elle offre des espaces publics qualitatifs et ouverts à tous, mais de l’autre, mène une politique exclusive en matière de santé, d’éducation et de logement. C’est en suivant ce principe que nous avons identifié quatre projets, qui représentent ensemble quatre enjeux en termes d’inclusion urbaine : alimentation (Abattoir), santé (Médecins du Monde), culture (Abbaye de Forest) et loisirs/sports (Droh!me).

Il s’agit à n’en pas douter de quatre enjeux de première importance, à Bruxelles et ailleurs, pour tester l’inclusivité d’une ville :

  • Dans une ville dualisée sur le plan économique, l’accès à des biens de consommation et d’alimentation bon marché constitue un besoin primaire. Comment une place marchande populaire comme le site des Abattoirs d’Anderlecht, connu pour ses trois grands marchés hebdomadaires, peut-elle se transformer et inclure de nouveaux publics plus dotés, sans menacer sa fonction principale ?
  • La Belgique se singularise par une politique de soins de santé démocratique, largement accessible. Dans une région comme Bruxelles, qui accueille une part importante de la pauvreté et de l’immigration en Belgique, cette politique est mise au défi. Le projet de Médecins du Monde vise à pousser plus loin ces conditions d’inclusivité du système de santé, en ouvrant des espaces d’accueil et de soins inconditionnels aux populations migrantes et sans abri n’ayant pas accès à une couverture sociale. Comment un tel idéal peut-il être poursuivi dans les conditions urbaines particulières d’un quartier (Cureghem) en pleine transformation?
  • La culture est aujourd’hui un sujet sensible dans une ville qui s’apprête à ouvrir un grand centre d’art contemporain (avec toutes les attentes et les craintes - d’élitisme et d’exclusion notamment - que ce genre de projet génère) et en particulier au sein de la commune de Forest où les indices de gentrification récente apparaissent liés aux développements d’institutions culturelles (le centre d’art contemporain Wiels et le centre culturel communal Le Brass en particulier).
  • Les espaces de loisirs et leur partage constituent un autre enjeu de premier plan. Avec les espaces scolaires et les lieux de travail, les espaces de loisir et de sport constituent des lieux privilégiés pour provoquer la rencontre entre étrangers et favoriser des formes de mixité sociale et culturelle nécessaires à la cohésion sociale d’une ville aussi fragmentée que Bruxelles. Or, les loisirs sont aussi des activités où s’expriment des principes de distinction et où se recherchent des formes d’entre-soi. Comment ces enjeux sont-ils considérés dans la réaffectation de l’hippodrome de Boitsfort, en tant qu’espace vert d’ampleur métropolitaine situé aux confins de la Région bruxelloise ?

Il faut préciser ici qu’au sein du programme FEDER Bruxelles 2014-2020, seuls les projets de l’Abbaye de Forest et de Médecins du Monde à Cureghem s’inscrivent dans un axe de financement spécifiquement consacré à l’inclusion sociale (« axe 4 » du programme opérationnel de FEDER Bruxelles). Le projet Droh!me a pour priorité, principale au sein de la programmation, de contribuer à la qualité environnementale de la Région (« axe 3 ») et le projet des Abattoirs d’Anderlecht s’inscrit dans un axe de développement économique et de soutien aux entreprises (« axe 2 »). Ceci étant, ces deux derniers projets sont également soumis à des enjeux d’inclusion et de mixité, dans la mesure où il est attendu de l’ensemble des projets qu’ils s’inscrivent dans la stratégie globale de l’Union européenne en matière de croissance intelligente, durable et inclusive. De la même manière qu’on ne comprendrait pas qu’une politique visant le développement durable finance des projets environnementalement qualitatifs sur un axe et des projets polluants sur ses autres axes, il n’y a pas de sens pour une politique visant la « croissance inclusive » et la « cohésion sociale et territoriale » à financer des projets inclusifs sur un axe et des projets exclusifs sur ses autres axes. Pour cela, et en vertu de l’interdépendance des différents aspects de l’inclusion urbaine (alimentation, santé, culture, loisirs…), il a semblé légitime d’approcher et d’apprécier ces quatre projets pour les qualités de leurs apports à une ville plus inclusive et démocratique.

1.2. Une sélection illustrant l’évolution de la stratégie FEDER

Parmi les quatre sites proposés, trois sont situés dans la vallée de la Senne (Abbaye-Abattoirs-Médecins du Monde), un territoire post-industriel au cœur de la géographie prioritaire de la rénovation urbaine bruxelloise, et dans lequel se sont multipliés les outils d’intervention, tels que les Contrats de Quartier, les récents Contrats de Rénovation Urbaine (2017), mais aussi les précédents programmes européens tels que Objectif 2 (2000-2006), ainsi que la précédente programmation FEDER 2007-2013, qui prévoyait une stratégie de concentration des moyens sur ce territoire à travers l’établissement de la Zone d’Intervention Prioritaire (ZIP). Le site Droh!me situé au Sud de Bruxelles, est caractéristique de la programmation FEDER actuelle (2014-2020) qui abandonne le principe de concentration des moyens financiers dans un territoire donné au profit d’une stratégie de déconcentration encouragée par les récentes aspirations « métropolitaines » de Bruxelles. Cette stratégie récente a conduit dans la programmation actuelle à financer certains projets situés en deuxième couronne de ville, tels que le projet de Cité Internationale étudiante aux Casernes Couronne à Ixelles, le Learning Centre ULB/VUB au campus de la Plaine, un Canceropôle au campus d’Erasme, ou encore une Maison des Médias au « Mediapark » Reyers. Le site de Droh!me est situé dans un secteur de la Région (Uccle - Boisfort) rarement concerné par les politiques régionales de la ville, en dehors des politiques sectorielles - faisant polémique - de la mobilité ou du logement social, ou celle - plus consensuelle - de l’environnement. Par ailleurs, à la différence de la plupart des projets FEDER situés dans un milieu très urbain, le site de l’ancien hippodrome se caractérise par sa sensibilité environnementale forte, liée à sa proximité à la Forêt de Soignes, une forêt périurbaine de plus de 5000 hectares s’étendant sur les territoires des trois régions et classée zone Natura 2000.

1.3. La réaffectation inclusive d’enclaves

A l’exception de Droh!me, les sites identifiés ne faisaient pas encore l’objet de projets d’architecture concrets au moment de la MasterClass mais en étaient encore au stade d’intention ou de programmation. Cette situation devait encourager les étudiants à formuler des propositions, pour ouvrir ou alimenter le débat sur leur aménagement. Ces sites ne sont pas pour autant des territoires neutres. Il fallait considérer pour chacun des conditions et des contextes préexistants. Trois sites (Abbaye, Abbatoir, Droh!me), en voie de réaffectation, sont fortement marqués par leur histoire passée et les relations singulières à leur contexte environnant. Chacun des trois projets FEDER correspondants envisage d’insuffler de nouvelles activités et d’intensifier l’usage d’un lieu à potentiel, conçu comme ressource du projet. Ces trois sites, disposant de conditions préalables quasiment patrimoniales, sont fortement connotés par une architecture qui évoque leur vocation et fonction d’origine. Il est à cet égard intéressant de noter que ces trois sites se caractérisent par leur condition urbaine initiale d’enclave (Van Gameren et al, 2011) ou de « ville dans la ville » (Ungers & Koolhaas 1977). Par enclave, nous entendons le fait que ces trois sites sont des ensembles aux morphologies bâties singulières se distinguant de leur contexte, caractérisés par des limites physiques, disposant de logiques de fonctionnement intérieur propres, et imposant dans leur conception initiale un contrôle de leurs accès. Transformés, réaffectés, ils posent aujourd’hui la question de leurs capacités d’ouverture et d’accueil - capacités par laquelle ils pourraient contribuer au développement d’une ville inclusive et hospitalière.

  • L’Abbaye de Forest, fondée au XIIème siècle, est un complexe religieux qui participe de la fondation de la Commune de Forest. Les bâtiments existants ainsi que le parc adjacent datent du XVIIIème siècle et ont accueilli depuis 1964 des fonctions et activités annexes à l’Hôtel de ville de la Commune. Le site se caractérise par une condition urbaine de centralité communale mais périphérique à l’échelle de la Région. Le projet de réaffectation de l’Abbaye en équipement culturel est une pièce d’un projet plus large porté par les autorités municipales de Forest. Ce projet vise à réactiver le « pôle civique » de la Commune, comprenant aussi l’Hôtel de Ville (en cours de restauration) et la place Saint-Denis, dans le cadre d’une réflexion initiée par le Contrat de Quartier Durable « Abbaye » (en cours de mise en œuvre ) qui a centré l’attention sur l’espace public et la capacité de celui-ci à relier les différents éléments constituant le cœur symbolique, historique et politique de la Commune. La dimension patrimoniale est ici fondamentale : le complexe de l’Abbaye et le site dans lequel elle s’inscrit sont classés comme monument historique depuis 1994. Cette ancienne enclave religieuse constitue un lieu propice autour duquel recréer de la centralité.
  • Les Abattoirs d’Anderlecht représentent un vaste site de 10,5 hectares, faisant l’objet d’une concession privée, combinant des activités d’abattage d’animaux au plus grand marché populaire de Bruxelles organisé de façon hebdomadaire sur les trois matinées du vendredi au dimanche. Les propriétaires du site ont lancé en 2009 une réflexion sur le devenir de celui-ci, envisageant sa densification. Un Masterplan établi par le bureau ORG-Organization for Permanent Modernity en 2009 vise un développement à l’horizon 2030. Il propose une composition monumentale articulée autour de la grande halle couverte, créant un cadre mettant en valeur la grande composition urbaine axée sur la rue Heyvaert plutôt que les usages du site lui-même. Le site, qui se caractérise par ses grands vides et constitue un exemple de « périphérie centrale » (Brunetta, 1998), est voué à évoluer. Une première intervention cofinancée dans le cadre de la programmation précédente FEDER, une halle alimentaire, appelée « Foodmet », représentait un premier pas vers l’intégration, au sein d’un bâtiment couvert et pérenne, d’activités se déroulant en extérieur ou dans des constructions jusqu’alors provisoires.
  • L’hippodrome de Boitsfort était l’unique infrastructure destinée au sport hippique en Région de Bruxelles-Capitale. Aménagée à partir de 1875, les dernières courses y ont eu lieu jusqu’en 1987. N'ayant pas, ou peu, subi de rénovations avant sa fermeture, le site a conservé son caractère originel. Vaste site de 32,5 hectares, appartenant à la Société d’Aménagement Urbain (le principal acteur de la politique foncière de la Région de Bruxelles-Capitale), il a fait l’objet d’une concession de 2014-2029 à la société privée Droh!me pour l’aménagement d’un espace vert récréatif. Le projet s’élabore avec difficulté, montrant l’opposition de logiques conflictuelles : enjeux de rentabilité pour l’opérateur privé, enjeux d’ouverture et d’inclusion prescrits par la Région,préoccupations écologiques concernant la zone naturelle environnante, aspirations à la tranquillité des riverains de cette partie bourgeoise du Sud de Bruxelles.
  • Le centre social et de santé Médecins du Monde à Cureghem est un projet prévu sur un site identifié dans le cadre du Contrat de Quartier « Canal-Midi » à Anderlecht (2010), qui a permis d’attirer l’attention de la Région sur le cadran Sud-Ouest de Cureghem et ses opportunités foncières. L’opérateur régional du développement économique et du logement moyen City Dev a acquis progressivement des terrains dans ce secteur de la Région et a développé le programme « Citygate » qui se développe en trois projets : Citygate 1, Citygate 2, Citygate 3, comptabilisant ensemble 90000m2 de logements. Le projet Citygate est réparti sur trois îlots acquis par City Dev en 2010 : les îlots dits Kuborn, Marchandises et Goujons. Le projet d’ISHC (Integrated Social and Health Center) de Médecins du Monde se développe au sein de l’îlot Goujons qui sera affecté à 4.400 m² de logements conventionnés et à un centre social et de santé d’environ 1.500 m2 opéré par Médecins du Monde, un acteur de la santé émanant du secteur associatif.

Les quatre sites et projets de cet échantillon illustrent une évolution significative dans les politiques urbaines contemporaines : l’effort visant à étendre la vie collective urbaine au-delà de ce qui est reconnu comme « l’espace public » ouvert et général ; à la développer jusque dans des sites caractérisés par une clôture physique et fonctionnelle.

i. Havres, refuges (havens)

Le caractère d’enceinte propre ces sites favorise à la fois :

  • une organisation spatiale autonome,
  • la focalisation du site sur une ou quelques fonction(s) spécifique(s),
  • une relative couverture et protection des usage(r)s-hôtes vis-à-vis de l’extérieur,
  • la mobilité piétonne au sein du site,
  • la cohérence architecturale,
  • un sentiment d’intériorité et de retrait vis-à-vis de la ville alentour,
  • Le développement d’une vie sociale interne, avec sa tonalité, son atmosphère et son rythme propres.

ii. Portes (gateways)

Considérant leur fonction cruciale (alimentation, santé, culture, loisir) et leur aire de rayonnement significative, les sites projetés peuvent être pensés comme des hubs urbains, des pôles de convergence et des points d’accès vers la ville identifiables (que cela soit pour la bourgeoisie périurbaine ou pour les migrants sans ressources arrivant de l’étranger).

iii. Seuils (thresholds)

Chacune de ces amples enclaves urbaines est appelée à jouer un rôle d’interface, de transition ou de médiation entre les territoires ou les quartiers qu’elle sépare (entre deux parties d’une même commune, entre le centre-ville et une zone industrielle, entre la ville et la forêt, entre la ville et sa périphérie). Ces qualités de « havre », de « porte », de « seuil » — et les principes mixtes de clôture et d’ouverture qui orientent ces projets d’enclaves inclusives — s’expriment le plus clairement dans le cas des Abattoirs d’Anderlecht (dans le Masterplan élaboré par ORG - Organization for Permanent Modernity) et dans celui de l’Abbaye de Forest (dans le projet proposé par A-PRACTICE et :mlzd GmbH).

2. Stratégies d’intervention

2.1. Différentes conceptions du design urbain

Devant ces sites montrant des contextes et des conditions différentes, les équipes de la MasterClass ont abordé des stratégies différentes. Les participants ont exploré les différentes modalités d’une pratique d’urban design, qui — comme l’a rappelé le Master tutor Miodrag Mitrašinović dans ses prescriptions méthodologiques — ne se limite aucunement au fait de concevoir ou de dessiner des espaces bâtis, mais peut demander également d’élaborer des procédures, des collaborations, des modes de gouvernance ou des formats de participation. Chaque projet a été approché sous l’angle de sa capacité ou son potentiel d’inclusion et a fait l’objet de suggestions, de critiques ou de contre-propositions sur ce plan. Rappelons qu’il ne s’agit pas ici seulement d’un « thème » comme un autre, qui aurait été choisi de manière un peu arbitraire comme base d’un exercice d’étudiants. Il s’agit d’un enjeu fondamental porté par la stratégie européenne de développement durable urbain, auquel souscrit la Région de Bruxelles-Capitale à travers ce subside, et que sont censés poursuivre, en tant que priorité (Abbaye de Forest, Médecins de Monde) ou en tant que principe d’action (Abattoir, Droh!me) les porteurs de projets, publics ou privés, bénéficiant de ces subsides. Cette première MasterClass du Metrolab visait alors prioritairement à souligner ces enjeux, à l’attention des porteurs de projets et du Gouvernement régional, à travers des propositions dont le caractère parfois radical ou utopique a le mérite de rappeler avec force les idéaux de démocratie, de justice sociale, d’égalité consubstantiels à l’idée d’une société urbaine inclusive. Comment les étudiants/chercheurs s’y sont-ils pris? Dans le cas de Abattoir, un site qui dispose déjà d’un Masterplan guidant le développement à l’horizon 2030, l’équipe de la MasterClass a esquissé un Masterplan évolutif visant à assumer la place prise par l’activité de production et de commerce de viande au cœur de la ville, mais aussi, simultanément, à inscrire la ville et ses problématiques d’inclusion et d’hospitalité, au cœur du site Abattoir. Autour d’une fonction alimentaire (« Belly »), l’équipe a pensé le développement à terme d’équipements et services d’accueil social et d’information à destination des primo-arrivants (« Heart »), ainsi qu’un pôle de connaissance et de culture (« Brain »). Ce dernier, qui attirerait un public spécifique d’étudiants et de citadins plus dotés sur le plan culturel, demande d’être pensé dans son rapport aux fonctions préexistantes et aux publics populaires qu’elles rassemblent.

file Fig.1 La proposition est basée sur l'idée de la création de trois nouveaux clusters d'activités qui seront progressivement développés au sein du Masterplan. Chaque cluster s’exprime sous la forme d’une programmation différente et d’une coalition spécifique d’acteurs à impliquer. Les trois clusters (belly, heart, brain) préfigurent les futures thématiques à développer sur le site.

Dans le cas de Droh!me, la proposition souligne l’enjeu de l’accessibilité publique des infrastructures en interrogeant la gouvernance du projet et en développant des propositions en la matière. La proposition se base sur deux hypothèses : une première hypothèse (le PPP+) qui s’appuie sur le modèle de management existant et le complète par la mise en place d’un comité de direction (« board of directors ») comptant sur des membres issus de la société civile locale, chargés d’assurer une vigilance quant à l’ouverture publique du projet. Un second scénario de gouvernance vise à replacer entièrement le projet dans le giron de la Région et revisite le processus d’élaboration de la programmation du site tenant compte de la nouvelle donne foncière.

file Fig.2 Visualisation de la proposition d’une gouvernance alternative pour le projet. La proposition intègre la création d’un comité de direction (“board of directors”) qui puisse garantir l’intégration au sein de la gouvernance du projet des valeurs relatives à la responsabilité sociétale du projet, l’apport des riverains et des institutions éducatives.

Au niveau des projets publics (Médecins du Monde et Abbaye de Forest), les propositions appellent également à une vigilance par rapport aux publics convoqués. Dans le cas de l’Abbaye de Forest, le groupe identifie un risque d’adressage sélectif de l’infrastructure culturelle et propose pour ce faire l’idée d’un « forum de quartier » autonome, agissant sur la programmation de l’infrastructure ainsi qu’à son aménagement. La vigilance est également de mise à Cureghem où le groupe d’étudiants/chercheurs identifie un danger d’isolement de l’infrastructure Médecins du Monde et propose, pour contrecarrer ce risque, la mise en réseau des acteurs associatifs ainsi que la création d’une plateforme-forum sous forme de coopérative sociale.

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Fig.3 Diagramme montrant les nouveaux liens entre l’Abbaye de Forest et le quartiers de la place Saint-Denis. Le scénario proposé montre les potentialités d’usage public de l’Abbaye dans le cadre de l’organisation d’un festival.

file Fig.4 Création d’un nouveau modèle coopératif articulé autour d’une vision partagée de la santé. Ce nouveau modèle est basé sur la mise en relation des associations de quartier et l’engagement sociétal porté par les principaux partenaires du développement du site.

Pour l’ensemble des projets, qu’ils soient portés par des acteurs privés, associatifs ou publics, les groupes de travail ont souligné les enjeux liés à la communication des projets vis-à-vis de leur environnement social immédiat et étendu. Pour chacun, la nécessaire adhésion au projet des publics concernés (usagers potentiels à l’échelle urbaine ou métropolitaine, riverains du site) semblait passer par la constitution d’une communauté d’acteurs divers, reconnues et valorisés pour leurs apports propres au projet.

2.2. Idéalisation, généralisation et prospective

Bien que contextualisées, les réflexions des différents groupes ont été menées au-delà des contraintes et singularités les plus spécifiques de ces projets. Les Master tutors ont insisté sur cet enjeu, d’ailleurs caractéristique des MasterClasses organisées par les membres du Metrolab ces dernières années. Comme tout projet infrastructurel, les projets FEDER sont encadrés et délimités par d’importants périmètres de contraintes financières, légales, institutionnelles, fonctionnelles, techniques, opérationnelles, etc. L’équilibre délicat et difficile d’un exercice comme celui de la MasterClass consiste alors à prendre en considération cette complexité liées aux contraintes d’action, sans pour autant considérer certaines de ces contraintes comme définitives ou incontournables ; c’est-à-dire, sans s’empêcher d’envisager des versions alternatives de ces projets, des versions plus maximalistes dans leur poursuite d’idéaux d’inclusion. Par rapport à cet enjeu, la mobilisation d’étudiants étrangers issus de contextes nationaux différents, porteurs de cultures politiques et civiques différentes, a semblé un exercice intéressant. Elle ouvrait la possibilité d’approcher chacun des projets au prisme d’une conception plus globale de l’inclusion, débattue par un collectif étendu d’étudiants, chercheurs et enseignants d’horizons très variés ; une conception éclairée par le concept d’ « hospitalité urbaine » et débordant celle, plus strictement économique, productiviste et individualiste qui se dégage des textes européens en la matière (cf. la contribution d’Antoine Printz). Cette exploration des contenus normatifs attachés aux qualités d’inclusion urbaine pour chacun des projets se prolongeait par une recherche des formes et procédures les plus à même d’atteindre ces objectifs. La proposition a été ici de s’écarter des démarches classiques de conception de projet et de leur conception étriquée de l’urban design, pour élargir la réflexion à la recherche de nouveaux cadres d’action propices à la bonne gouvernance, à la mise en réseaux, à la conciliation, à la communication, etc. Certaines propositions, s’engageant sur le terrain plus politique de la responsabilité sociale conjointe des acteurs privés subsidiés et des pouvoirs publics subsidiants dans la fabrication de la ville, ont mis le doigt sur certaines difficultés et dérives possibles liées au cadre actuel et ont initié une réflexion sur des modes d’encadrement de « partenariats publics-privés » plus exigeants en termes d’inclusion sociale (dans l’accès aux équipements créés) et politique (dans l’accès au processus de gouvernance). Enfin, à côté de la définition des objectifs d’inclusion et des formes et procédures permettant de les servir, c’est le cadre temporel des projets qui a été discuté et négocié par les quatre groupes de la MasterClass. Ceux-ci ont en effet pensé leurs propositions dans un cadre s’écartant des strictes temporalités FEDER (réalisation des projets à l’horizon 2020) et visant des durées parfois plus longues. Certaines propositions vont au-delà et envisagent d’ores et déjà de nouvelles propositions de programmations pour des programmes de subsidiation à venir. Le caractère idéalisant, généralisant et prospectif des productions de cette MasterClass représente bien sûr une limite de taille dans sa capacité à informer les projets FEDER sur un plan immédiatement opérationnel. Mais là n’était pas le réel enjeu de cet exercice. En tant qu’expérimentation pédagogique et scientifique, les micro-enquêtes développées par les différents groupes le temps de deux semaines de travail ont produit des résultats qui ne peuvent être approchés « au premier degré » et des conclusions qui ne peuvent être prises « au pied de la lettre ». Plutôt que des conclusions mettant un terme à la réflexion, les résultats des travaux menés sur les différents sites sont au contraire de nature à ouvrir un espace de discussion transversal sur la prise en charge des questions d’inclusion urbaine par une politique publique européenne. Force est de constater que cette dimension d’inclusion sociale, dans sa définition, ses objectifs et ses procédures propres, demeure le parent pauvre de la stratégie européenne de développement durable, par rapport à des dimensions économiques et environnementales mieux circonscrites. Les travaux menés dans cette MasterClass avaient alors pour vocation de provoquer une réflexion approfondie sur la qualité d’ouverture, d’accessibilité et d’hospitalité des projets urbains soutenus par le FEDER ; une réflexion susceptible d’informer, nous l’espérons, la conception de nouveaux programmes opérationnels en Région bruxelloise. Tout en s’inscrivant dans la réalité empirique des quatre sites, ces projets de recherche par le projet se sont autorisés à penser ces questions d’inclusion « outside the box ». Si, par leur caractère idéalisant, généralisant et prospectif, ils développent inévitablement une dimension utopique, c’est qu’ils visent à explorer une conception de l’inclusion plus exigeante en résultat et en signification. Exiger d’une politique publique à prétention d « inclusion sociale » qu’elle s’interroge sur le sens de cette notion en fonction de situations et de sites spécifiques, n’a rien d’une fantaisie ou d’une abstraction ! C’est au contraire une considération pratique, soucieuse du fait qu’une politique dite inclusive prouve ses intentions dans les faits de ses réalisations. En cela les différents groupes de la MasterClass ont accouché d’ « utopies pratiques » (Albert, 2017), visant à éclairer le destin de chacun des sites retenus.

3. Inquiétudes démocratiques

Les conclusions les plus transversales qu’il est possible de dégager des explorations menées sur ces quatre sites semblent concerner une préoccupation générale pour les questions de démocratie urbaine. Une politique publique comme la politique européenne FEDER, qui fait valoir dans sa stratégie des enjeux d’inclusion, peut-elle concourir au renforcement d’une démocratie urbaine, ou participe-t-elle d’une tendance générale qui semble vider les « politiques publiques » à la fois que leur dimension « politique » et de leur qualité « publique »? Ces inquiétudes démocratiques, relatives aux différents sites étudiés, ont produit au moins trois questionnements transversaux :

3.1. Comment encourager et encadrer la responsabilité sociale des opérateurs privés subsidiés, dans la conception et la mise en œuvre de leur projet ?

L’étude des deux projets privés que sont Abattoir et Droh!me a pu faire apparaître certaines conditions de possibilité pour l’émergence d’une responsabilité sociale et d’une disposition à l’inclusion dans le chef d’un opérateur privé. Etant organiquement liée au quartier Heyvaert et bénéficiant d’un ancrage fort dans le territoire, la société privée, emphytéote et partiellement propriétaire du site des Abattoirs d’Anderlecht s’est constituée en acteur historique de la vie économique et sociale de cette partie de Cureghem. Par ailleurs, le fait d’avoir bénéficié d’un premier cofinancement dans le cadre de la programmation FEDER précédente (2007-2013) a permis le développement progressif d’une conscience, pour cet acteur privé, de ce qu’implique le soutien financier d’une politique publique : une réelle responsabilité sociale vis-à-vis d’un quartier en difficulté, dont l’économie du site des Abattoirs polarise les possibilités de développement. La difficulté avec laquelle le projet Droh!me est actuellement mis en œuvre montre une situation très différente : ayant répondu à un marché public de concession, l’opérateur privé ne possède pas de lien organique privilégié avec le territoire dans lequel il intervient et ne montre pas d’expérience particulière en terme de projet à dimension publique. Les groupes de travail de la MasterClass relevèrent également un certain manque de tact et de fibre sociale dans la programmation des loisirs et sports prévus, très connotés sur le plan culturel et économique (golf, « lazy sundays »…). Ce projet semble également pâtir d’une gouvernance publique de projet peu lisible ; l’opérateur régional Bruxelles Environnement, qui est partenaire d’une des composantes du projet (La Maison de la Forêt) tout en étant une des autorités délivrantes des permis, n’arrivant pas à infléchir la gestion du site dans le sens d’une ouverture et d’une communication destinés à de plus larges publics que ceux visés par l’opérateur privé.

3.2. Quelles procédures d’inclusion politique mettre en œuvre dans des projets publics ou privés censés poursuivre des principes d’inclusion sociale ?

L’ensemble des sites étudiés partagent, à des degrés différents, ce paradoxe : alors qu’ils font valoir, à titre symbolique ou à titre de réelle priorité, des enjeux d’inclusion sociale (ouverture, accessibilité, hospitalité, mixité), aucun ne met en avant un modèle de gouvernance montrant une forte inclusivité politique. Or il semble clair aujourd’hui que l’on ne peut réaliser des espaces urbains inclusifs sans prévoir, en amont des procédures de conception et de production de projet elles-mêmes inclusives, ouvertes sur la diversité des parties prenantes et des publics concernés. C’est sur cette question que bute aujourd’hui un projet comme Droh!me qui entend défendre sa logique d’acteur privé autonome et libre. Les projets publics étudiés ont, eux, progressé sur cette question depuis la MasterClass et il semble que le travail des étudiants internationaux et des chercheurs du Metrolab y soit pour quelque chose. Ainsi, par exemple, le projet de pôle culturel de l’Abbaye de Forest s’est progressivement ouvert à une série d’acteurs culturels populaires, comme la Maison de Jeunes de Forest, dont la contribution au projet n’était pas initialement prévue. Le projet a aussi, sur proposition des chercheurs du Metrolab, développé des ateliers de cartographie participative approfondis, sondant les pratiques sociales et culturelles d’un nombre important d’habitants du quartier et de la commune. Pour penser ce mouvement d’inclusion — qu’on dira « politique » — d’un nombre croissant d’acteurs à la gouvernance du projet, les travaux mené par les groupes de la MasterClass (autour des projets Abbaye de Forest et Médecins du Monde en particulier) développent des suggestions dignes d’attention : créer l’adhésion autour du projet, mobiliser les acteurs dans une démarche positive de coproduction peut être facilité par l’émergence d’une « communauté de projet », une communauté qui peut prendre forme à travers le développement de liens de confiance et de reconnaissance, à travers des rencontres informelles, des événements conviviaux et festifs. On reconnaît ici l’influence anglo-saxonne apportée par les étudiants internationaux de la MasterClass ainsi que par ses Master tutors nord-américains : un projet réussi, approprié et inclusif doit pouvoir s’appuyer sur une community ; non pas une communauté essentialisée (ethno-culturelle, religieuse, etc.) mais une communauté pragmatique, une communauté d’action.

3.3. Comment éviter que la discussion autour de projets de grande ampleur ne s’enferme dans des considérations micro-locales?

L’une des critiques qui peut être adressée aux travaux de cette MasterClass concerne l’échelle à laquelle la question de l’inclusion, tant sociale que politique, a été pensée par les groupes : essentiellement une échelle de proximité, à l’échelle de l’environnement direct, du quartier, ou de la community pour reprendre l’une des notions centrales de ces travaux. Or cette perspective de proximité, à elle seule, apparaît insuffisante pour saisir les enjeux d’inclusion relatifs à des sites et des projets prétendant à une rayonnement dépassant de loin le micro-quartier, visant plutôt la commune dans son ensemble, la ville-région, voire l’aire métropolitaine. L’inclusion devient, pour ces projets de grande ampleur, une affaire complexe. Il faut certes travailler à inclure l’environnement social immédiat, ce qui amène un projet comme celui de Abattoir à travailler ses relations avec le quartier ; le projet Abbaye de Forest, à mettre en place des ateliers de participation à destination de la population locale. Mais, dans ces deux situations, les rapports aux voisins, aux riverains, aux potentiels usagers est une composante sociale relativisée par l’identification de publics plus étendus et plus lointains susceptibles de converger vers le site et ses équipements. C’est aussi par rapport à ces publics plus distants que la question de l’inclusion, de l’accueil et de l’hospitalité se pose et il faut dès lors parvenir à penser la réalité sociale du projet à ses différentes échelles. C’est ce qui, ces derniers mois, a causé des torts importants au projet Droh!me. Celui-ci s’est enlisé dans des controverses locales, à travers le clash opposant l’opérateur privé aux riverains et à certains acteurs communaux. Au lieu de cela, le projet aurait pu tirer avantage d’un débat public plus large, de l’identification d’un plus large ensemble de publics d’utilisateurs potentiels à travers la région bruxelloise, et de la mobilisation de divers partenaires potentiels (associations concernées par les loisirs et le sport, universités, etc.) identifiées à une plus grande échelle. Une approche plus ouverte des différents stake-holders — des différents acteurs potentiellement concernés par le projet — et un schéma de gouvernance plus inclusif semblent appropriés dans un projet dont l’intention est d’ouvrir un espace vert récréatif et sportif majeur, d’ampleur régionale voire métropolitaine.

4. Une politique d’inclusion ne dissout pas les enclaves, elle ouvre des portes

L’espace urbain est caractérisé par une certaine structure topologique, organisant des rapports d’inclusion et d’exclusion, de fermeture et d’ouverture, de connexion et de déconnexion, d’hermétisme ou de porosité, de fluidité ou de rugosité, d’intersection, de chevauchement ou de vide, entre les régions qui composent cet espace. L’intervention sur cette topologie urbaine au profit des populations jugées exclues est souvent entendue en des termes trop simples et mécaniques. Ainsi, il semble aller de soi qu’œuvrer à une ville démocratique et inclusive engage à « désenclaver » ses espaces. Nous sommes en désaccord avec cette position et défendons l’idée que le caractère « enclos » d’un site (sur le plan physique, fonctionnel ou symbolique) n’est pas contraire au principe d’inclusion, et participe même des conditions de possibilité de l’inclusion. Inclure suppose d’ouvrir, mais d’ouvrir quoi? Des lieux dotés de qualités intérieures, capables de canaliser, de recevoir, d’accueillir et d’abriter des présences, des usages et des activités, de renfermer des ressources, des valeurs et des biens. Nous les appelons des enclaves inclusives. Reconnaître les potentialités sociales de tels lieux amène à changer notre conception de ce qu’une politique urbaine d’inclusion est censée être et est censée faire. Une politique d’inclusion ne se donne pas pour mission de dissoudre des enclaves, mais d’ouvrir des portes. Elle cherche à rendre ces intérieurs accessibles, hospitaliers et sûrs. L’image de la porte (gate), entre mouvements d’ouverture et de clôture, nous invite à percevoir l’inclusion comme un processus de régulation qui demande de poser des principes (d’ouverture, de fermeture) et de prendre des décisions. Ces décisions ont nécessairement une dimension politique. Étant donné son importance cruciale pour la justice sociale, ce travail de régulation et de contrôle de l’accès aux lieux valorises de la ville ne peut pas être laissé à une seul entité ou un seul opérateur. Le gatekeeping représente une responsabilité collective et requiert le débat public.

5. Épilogue : les projets Abattoirs et Abbaye comme enclaves inclusives

Cet épilogue reprend une série de concepts théoriques caractérisant les quatre sites de projets étudiés dans le cadre de la MasterClass : les concepts de havres / refuges (« havens »), de portes (« gateways ») et de seuils (« tresholds») sont déclinés dans les propositions des étudiants mais se vérifient également dans les projets réellement en cours de développement sur les sites. Pour illustrer ce constat, nous avons voulu les confronter à deux de ces projets : le Masterplan élaboré par ORG - Organization for Permanent Modernity pour le site de Abattoir ainsi que le projet développé par l’association d’architectes A-PRACTICE sprl + :mlzd GmbH pour l’Abbaye de Forest.

Abattoir

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Brussels Meat Market Masterplan Maître d’ouvrage : Abattoir SA Architecte – Urban Planner : ORG – Organization for Permanent Modernity 2008-2018

Le Masterplan élaboré par ORG prévoit une évolution significative du site de Abattoir mais conserve toutefois la caractéristique actuelle d’une intériorité spécifique. Cette intériorité est caractérisée par le développement de typologies architecturales singulières (« urban warehouses »), articulée autour d’un vaste espace public central qui peut accueillir des évènements socio-culturels en plus des activités hebdomadaires du marché. La qualité d’intériorité est soulignée par le traitement piétonnier et continu de l’espace ouvert. Au niveau de ses caractéristiques de seuils, le site est développé comme un espace médiateur entre la ville des fonctions utilitaires (à l’avant plan de l’illustration) et le tissu urbain (à l’arrière plan de l’illustration). Il a pour vocation de créer de la coprésence des deux qualités urbaines sur le même site. Le traitement de seuils (« tresholds ») se fait via des espaces ouverts : une vase Esplanade devant la Halle couverte et latéralement, des épaisseurs à franchir vers le Canal. L’illustration illustre également la volonté de trouver un lien entre formes urbaines compactes et les territoires utilitaires de la rive Gauche du Canal via des continuités spatiales. Le Masterplan prévoit de maintenir les activités du marché, et de développer le site de Abattoir comme une porte ouvrant les potentialités d’accès à une alimentation saine et abordable.

Abbaye de Forest

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ABY : Nouveau pôle culturel pour Forest Maître d’ouvrage : Commune de Forest Architectes : A-PRACTICE sprl + :mlzd GmbH 2017

Le projet architectural vise à reconnecter ce site exceptionnel mais historiquement clos à son environnement urbain. L’intervention se concentre sur les abords du site conçus comme des seuils en particulier trois lieux choisis sur le pourtour de l’Abbaye pour aller à la rencontre de l’espace urbain environnant :

  • deux nouveaux bâtiments situés à l’entrée de la place Saint-Denis ;
  • une nouvelle façade du côté de la chaussée de Bruxelles ;
  • enfin, un grand volume ouvert sur le parc pour y abriter la salle de spectacle, le foyer et le restaurant du pôle culturel. La cour centrale en U, reste intacte dans une séquence amplifiée entre la place Saint-Denis et le parc. Les éléments fabriquant les caractéristiques d’intériorité du site de l’Abbaye sont maintenus. L’illustration met l’accent sur la continuité du sol vert et continu, qui valorise le Parc existant comme un écrin de verdure dans un contexte très urbain. Le parc ainsi valorisé permet ainsi de maintenir une qualité propre à l’Abbaye de « mise en retrait » par rapport à l’espace animé de la ville. La programmation prévue dans le cadre du projet FEDER prolonge la dimension contemplative, d’une vocation spirituelle vers une vocation culturelle et artistique.

Le projet ABY est une infrastructure supplémentaire qui fait de Forest un territoire marqué par une attractivité résidentielle prenant appui sur des infrastructures culturelles (Wiel’s, Le Brass). Dans ce sens, ce projet amplifie l’idée du site de l’Abbaye comme une porte d’entrée vers un élargissement des pratiques culturelles et artistiques.

6. Bibliographie

  • Albert, M. (2017). Practical Utopias. Strategies for a Desirable Society. Oakland, PM Press.
  • Brunetta, V. (1998).Forteresses et paraboles, in Studio Open Stad Een stad in beweging - Une ville en mouvement - A moving city. Bruxelles, Beursschouwburg / cAD centrum voor Architectuur en Design.
  • Ungers, O.M., Koolhaas, R. (1977). The City in The City — Berlin : A Green Archipelago. Zürich, Lars Müller Publishers.
  • Van Gameren, D., Van den Heuvel, D., Kraaij, A. (2011). The Urban Enclave, Delft, Delft Architecural Studies on Housing.
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